Réorientation des flux commerciaux du Tchad vers le port de Bata : impact chiffré pour l'économie camerounaise

1. Perte de revenus douaniers

Le commerce tchadien représente environ 25 % des activités de transit au port de Douala. En 2023, le port a généré près de 500 milliards de FCFA en recettes douanières, dont environ 125 milliards de FCFA proviennent des marchandises tchadiennes. Le redéploiement vers Bata pourrait réduire cette part de 50 à 80 %, soit une perte de 60 à 100 milliards de FCFA par an.

2. Réduction des opportunités économiques pour les acteurs logistiques

• Les entreprises de transport routier, les opérateurs ferroviaires (CAMRAIL) et les services auxiliaires liés à la manutention portuaire pourraient enregistrer une baisse d’activité.

• Environ 20 000 emplois directs et indirects liés au commerce de transit avec le Tchad pourraient être impactés.

3. Impact sur la rentabilité des infrastructures

Le port en eau profonde de Kribi, dont la construction a coûté près de 1 000 milliards de FCFA, visait à attirer les trafics sous-régionaux, notamment du Tchad. Une réduction de trafic menace de ralentir le retour sur investissement de cette infrastructure stratégique

4. Diminution de l’influence géopolitique

Perdre le Tchad comme partenaire logistique clé affaiblirait le Cameroun en tant que plaque tournante économique de la sous-région. Cela pourrait également inciter d'autres pays enclavés, comme la République centrafricaine, à envisager des alternatives.

Comparaison qualitative entre les ports camerounais et le port de Bata pour le Tchad

Avantages des ports camerounais :

• Proximité relative (1 800 km entre Douala et N’Djamena).

• Réseau de transport intégré (corridor Douala-Ngaoundéré et CAMRAIL).

• Expérience et infrastructures portuaires modernes, notamment à Kribi.

Avantages du port de Bata :

• Moins de congestion et des délais potentiellement réduits.

• Opportunité d’établir un nouveau corridor logistique plus fluide, bien que cela nécessite des investissements en infrastructures terrestres.

Inconvénients du port de Bata :

• Distance accrue (environ 2 000 km entre Bata et N’Djamena).

• Absence d’un corridor logistique bien établi entre Bata et le Tchad.

• En passant par le Gabon, le Congo et la RCA il y aura toujours des tracasseries sur le corridor de ces pays et l'insécurité en RCA

Recommandations pour le Cameroun

1) Renforcer l’attractivité des ports

• Moderniser les services douaniers et réduire les délais d’attente.

• Accroître la compétitivité des coûts liés aux exportations et importations.

2) Améliorer les corridors logistiques

• Investir dans la sécurité et la modernisation des routes menant au Tchad.

• Développer des solutions logistiques intégrées, comme le transport multimodal (rail-route). Relancer le projet ferroviaire N'gaoundérè - N'djamen

3) Renforcer les relations bilatérales avec le Tchad

• Proposer des incitations économiques pour encourager le maintien d’un volume important de marchandises transitant par le Cameroun.

• Développer une diplomatie économique active pour préserver le Tchad comme partenaire stratégique.

En conclusion:

Le redéploiement du Tchad vers la Guinée équatoriale pourrait coûter au Cameroun jusqu’à 100 milliards de FCFA par an en pertes de recettes douanières et logistiques, tout en fragilisant l’emploi et les infrastructures stratégiques. Pour le Tchad, bien que le port de Bata offre des perspectives nouvelles, il nécessitera des investissements significatifs dans les corridors terrestres pour être une alternative viable aux ports camerounais. Une coopération régionale renforcée est essentielle pour éviter un morcellement logistique au détriment de tous les acteurs.